Pour l’actrice italienne, tout commence ou presque par une disparition. Celle de son personnage de L’Avventura, Anna, sur une île de Méditerranée, avant que se mettent à sa recherche son amant et sa meilleure amie (Gabriele Ferzetti et Monica Vitti). Un film à l’atmosphère unique, où le récit s’étire le long d’un exercice formel fascinant, où l’hostilité de ce décor minéral fait écho au déchirement intérieur des personnages. A la blondeur de sa partenaire de jeu, Lea Massari, alors âgée de 27 ans, oppose sa chevelure brune et un tempérament fougueux qui impressionne déjà bon nombre de réalisateurs. Prix du jury à Cannes en 1960 L’Avventura n’est certes pas son premier film, mais il lui offre de changer le regard des cinéastes sur elle.
Risi, Rosi…
En Italie, l’actrice joue désormais pour les plus grands, à l’image de ses rôles dans la chronique amère Une vie difficile de Dino Risi, dans lequel elle sauve la vie à un soldat antifasciste dont elle va partager la vie des années durant. Alors que l’actrice italienne songe déjà à mettre en pause sa carrière, elle tourne en 1979 le saisissant Le Christ s’est arrêté à Ebola de Francesco Rosi, narrant les années d’exil d’un médecin antifasciste dans un petit village du Sud de l’Italie.
Les années françaises
Entre-temps, l’actrice qui a vécu quelques années en France durant son enfance, triomphe aussi de ce côté-là de la frontière. Elle est d’abord du bouleversant Les choses de la vie de Claude Sautet, transcendé par la musique de Philippe Sarde. Et si le nom de Romy Schneider est associé pour toujours à ce film, on se souvient aussi du personnage que Lea Massari y tenait, celui de Catherine, l’épouse de Michel Piccoli qui revoit sa vie défiler devant ses yeux alors qu’il est victime d’un accident de la route. Elle tient aussi le premier rôle du sulfureux Le souffle au cœur de Louis Malle, dans lequel elle est cette mère entretenant avec son fils adolescent une relation pour le moins ambiguë. Le parfum de scandale gagne même l’Italie où le cinéaste est poursuivi avant d’être acquitté.
Retour à la nature
Très tôt, Lea Massari envisage de consacrer sa vie à d’autres activités que le cinéma. Et la cinquantaine passée, l’actrice qui a eu le temps de jouer auprès de Jean-Louis Trintignant dans La course du lièvre à travers les champs de René Clément – qui lui vaut un prix d’interprétation en France – et de Jean-Paul Belmondo dans Peur sur la ville d’Henri Verneuil, se retire peu à peu des lumières. Devenue secrète, se confiant peu à la presse, elle apparaît une dernière fois sur grand écran en 1990 avant de se retirer en Sardaigne avec son époux Carlo Bianchini qu’elle avait épousé en 1963, passant alors tout son temps à s’engager pour la protection de la nature et des animaux, entourée de ses chiens adorés. C’est cependant à Rome qu’elle a rendu son dernier souffle, cette même ville où elle avait vu le jour en 1933.